La Femme du vampire – Nina Blazon
Nous sommes dans la campagne Serbe du XVIIIème siècle. Jasna, 16 ans et orpheline de mère, vit avec toute une ribambelle de sœurs et un père violent.
Un soir, Jovan Vuković un riche propriétaire ayant perdu son cheval demande à la famille de Jasna de l’héberger pour la nuit. Entre autres choses, il cherche une femme pour son fils Danilo et semble très intéressé par les sœurs. Bien contre son gré, Jasna est vendue à cet homme, emmenée dans la propriété familiale et mariée à Danilo. Tout aussi brutalement, l’union est consommée. Dès le lendemain, Jasna se retrouve seule dans cette austère maison, livrée à elle-même dans un environnement qui lui est complètement hostile. Elle se rend au village, où elle est montrée du doigt, évitée comme une pestiférée. On lui refuse l’entrée à l’église. De fil en aiguille, et grâce à l’aide de Dušan, la seule personne qui lui tende la main, elle apprend que la famille Vuković est damnée, que son mari est perçu comme un démon. Intriguée, Jasna s’apprête à fouiller le passé de la famille et à découvrir de nombreux secrets enfouis.
Mon avis
Avant toute chose, ne vous fiez pas à la couverture de ce livre. Il n’est ici nullement question de froufrous, de robe rouge luxuriante, de vernis à ongle ou de cheveux brushés. On est à mille lieues du parfum de Chick-litt qu'on pourrait sentir en voyant le livre sur les rayons d'une librairie. Au contraire, l'histoire est sombre. Les relations entre les personnages presque malsaines. C’est regrettable, car ce très bon roman risque, à cause de cette couverture trompeuse, de passer à côté de son public. (Ou bien de trouver un public qui ne s’attendait pas à ce contenu, au choix)
On renoue ici avec les origines mêmes du mythe du vampire. Je ne parle pas du vampire de Bram Stocker, et encore moins des vampires modernes à la sauce Twilight, mais d’un mythe encore antérieur prenant sa source dans les anciennes croyances populaires de l'Europe de l'Est; celui du vampire primitif, ce monstre errant attaquant le bétail. On évolue ici dans la campagne Serbe du XVIIIème siècle, profondément religieuse et enracinée dans les superstitions. Ces croyances sont les bases mêmes du mythe du vampire car ce sont elles qui l’ont engendré. L’auteur es’est très bien documentée sur les coutumes de l’époque et le récit fourmille de détails tirés de faits réels.
Des faits réels. C’est sur ce point que La Femme du vampire tire son épingle du jeu. Tout le long du livre, on marche sur un fil tendu entre rationnel et fantastique, à deux doigts de basculer dans des univers irréels. Parfois, on est convaincu d'être confronté à des évènements surnaturels. D’autres fois, on ne sait plus. Les superstitions des villageois sont-elles justifiées ? Ou bien sont elles ancrées dans leur quotidien au point de nous influencer et de brouiller notre perception de la réalité ? On doute. Jusqu’au dénouement final.
De plus, l'héroïne Jasna se démarque agréablement des adolescentes que l'on peut trouver dans les romans ados d'aujourd'hui. Loin des préoccupations futiles et malgré sa jeunesse ( tout juste 16 ans), elle est très mure, davantage une jeune femme qu'une adolescente. D'ailleurs l'adolescent tel qu'on se le figure de nos jours est un concept plutôt moderne. Au 18ème siècle, on peut supposer que les jeunes gens passaient directement de l'enfance à l'âge adulte, avec des responsabilités vis-à-vis de leur famille, sans passer par le statut adolescent tel qu'on le connaît aujourd'hui avec ses préoccupations moins vitales (lycée, amourettes...)
Pour conclure, nous avons ici un très bon roman bien documenté sur les origines du mythe du vampire. Si vous en avez assez des vampires adolescents modernes, trop lisses et gentillets qui déferlent dans la littérature ado de ces dernières années, La Femme du vampire est pour vous. A vous les croyances populaires et les joies de l'ail, des graines de pavot et des pieux dans le cœur.
La Femme du vampire – Nina Blazon – Seuil – Novembre 2010 – 16€